La fête de Tabaski, par Sekou (Gabou, Mali)

Le Tabaski, appelé aussi Aid El Kebir qui signifie littéralement "la grande fête", est la fête la plus importante de l'islam après Aid El Fitr (qui célèbre la fin du Ramadan). Cette appellation Tabaski concerne uniquement les pays d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale à majorité musulmane.

 

"A l’époque, on annonçait la fête de Tabaski la veille au soir. On allumait un feu de paille sur la place publique du village. Les jeunes garçons et les jeunes filles se réunissaient en petits groupes. Les adultes, eux, allaient chercher la paille pour allumer le feu.

Une fois le feu allumé, les adultes commençaient à jouer du Tam-Tam. Cela pouvait durer toute la nuit. Ce sont bien les adultes qui jouaient du Tam-Tam. A cette époque, ce n’était pas « interdit » et les adultes s’amusaient sur la place publique et jouaient du Tam-Tam. Ca faisait partie de la tradition. Les adultes dansaient, même les pères de famille. Mon oncle par exemple, il dansait très bien ! Il dansait, lançait ses jambes en l’air…

Mais maintenant la vie a changé…La pratique de l’Islam n’était pas aussi rigoureuse qu’aujourd’hui. Les adultes allaient faire la prière, mais il n’y avait pas autant d’interdits qu’aujourd’hui."

Pour la fête donc, je me rappelle surtout des Tam-Tam. Il n’y en a d’ailleurs plus vraiment à présent. Les adultes, les femmes… tout le monde dansait au son du Tam-Tam sur la place publique. On formait un cercle et les jeunes filles dansaient au milieu. Elles chantaient et dansaient. C’était festif !

Le lendemain matin, on prenait d’abord notre petit déjeuner. On allait ensuite à la rivière par petits groupes pour jouer à la lutte. Moi, par exemple, je luttais avec le père de votre tante Bintou.  Chacun pouvait désigner son adversaire. En fait, le village était un peu séparé en 2. Il y avait l’est, et l’ouest. On appelle cela Kinkana et Kinbaka. On ne se mélangeait pas et il y avait une concurrence, une rivalité entre nous. Chaque groupe d’âge avait donc son groupe rival de l’autre côté. Donc le matin de la fête, on allait jouer à la lutte. Chacun désignait avec qui il voulait lutter. Mais ça restait quand même festif. On se faisait tomber dans le sable, et il n’y avait pas vraiment de vainqueur. A notre âge, c’était plutôt un jeu. On faisait ça alors qu’on avait peut-être entre 8 et 10 ans. Je n’arrive pas à situer exactement…Je dirais 9 ou 10 ans.

Ensuite, à midi, on allait manger. On y allait par groupes d'une dizaine. On formait des groupes et on ne se mélangeait pas. Les groupes était toujours fait de personnes du même âge. On allait ensuite manger les uns chez les autres par groupe. On allait manger chez une personne du groupe, puis une autre, et ainsi de suite. A l’époque, il n’y avait pas de la viande à manger tous les jours. Ce n’est que pour la fête qu’on tuait des moutons et des bœufs. Il n’y avait même pas toujours du riz, et parfois seulement du couscous. Les messieurs, nos pères, eux aussi avaient leurs groupes qu’ils formaient entre copains. Les femmes n’étaient pas là, mais les jeunes filles, oui. Les messieurs donc allaient manger les uns chez les autres. Je me rappelle, mon père venait manger chez nous avec ses copains. Ensuite ils allaient chez un autre, et ainsi de suite.

Le soir, vers « Larassara » aux alentours de 18h, on allait se laver à la rivière. On dansait et on faisait des sauts et des saltos dans l’eau. On rentrait ensuite. Chacun mettait alors ses plus beaux habits pour ensuite aller danser sur la place publique avec les filles. Chacun mettait son plus beau Boubou. Moi à l’époque, c’est ma mère qui prenait son pagne et le décousait au milieu. J’enfilais alors ma tête par ce trou. J’étais tellement content ! Il y a une de mes tantes qui m’avait rappelé ce souvenir quand je suis retourné au Mali en 1979. J’y étais allé avec de beaux bazins. Elle m’avait dit « Sekou tu te rappelles, avant, pour la fête, tu prenais le pagne de ta mère dans laquelle on faisait un trou, et tu étais tellement content ! ». Je lui disais en plaisantant que c’était de mauvais souvenirs.

C’était très festif à l’époque ! On n’allait même pas à la Mosquée pour la prière. On n’a jamais été à la Mosquée lorsque j’avais cet âge. C’était surtout les adultes qui y allaient. Nous, pendant ce temps, on allait à la rivière pour lutter et jouer. C’est après que la pratique de l’Islam à Gabou est devenu plus rigide. Les enfants n’étaient alors pas concernés. Aujourd’hui, la pratique interdit tout cela. Il ne faut pas danser, il ne faut pas jouer au Tam-Tam… On a abandonné les traditions."

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