Les gémissements du monde après la mort de ses cinq petits-fils (Conte malien)

Le vieux Monde avait cinq petits-fils qui couraient et gambadaient autour de lui. Il passait pour être très heureux. Mais hélas, ces cinq petits-enfants moururent au cours de la même semaine, en bas-âge, avant d'avoir pu grandir et se développer.

Le vieux monde se mit à pleurer et à gémir.

Des voisins essayaient de le réconforter :

- Ô Monde, console-toi, car tu as encore tes cinq fils en bonne santé !

- Non, je ne peux m'apaiser, et voici mes raisons :

" Mon premier petit-fils se nommait Soutoura. Il était le fils de Fourou, c'est-à-dire du Mariage. Soutoura signifie Respect mutuel, chaude affection, secours, protection et assistance réciproques. Or si tout cela manque à Fourou, ce nom ne répond plus à son sens véritable. C'est pourquoi je me lamente. Ha ! Né Dounia Tignada ! (Ha ! Moi, Dounia, le Monde, comme je suis devenu corrompu !)

" Mon deuxième petit-fils se nommait Hiné. Il était le fils de Badingna, c'est-à-dire de la Paternité. Hiné signifie Amour filial. Si Hiné fait défaut à son père Badingna, tout le sens des rapports familiaux est faussé. Ha ! Né Dounia Tignada !

" Le troisième s'appelait Limanaya. Il était le fils de Téria, c'est-à-dire de l'Amitié. Limanaya signifie Confiance totale. Et s'il manque à l'Amitié la Confiance totale, elle n'a plus sa raison d'être. Ha ! Né Dounia Tignada !

" Le quatrième était Kountonô, fils de Diago (le Commerce). Kountonô signifie Bénéfice équitable. Et si dans le Commerce il n'y a plus de possibilité de Bénéfice équitable, il ne vaut pas la peine d'être exercé. Ha ! Né Dounia Tignada !

"Enfin, le cinquième avait pour nom Allah Nié Sirangné (Crainte de Dieu), fils de Karamokoïa (l'Apprentissage). Et si de Karamokoïa est absente la crainte de Dieu, il n'a plus aucune valeur. Ha ! Né Dounia Tignada !"

Les personnes en général âgées, qui se plaisent à raconter cette parabole, ne manquent pas de lui adjoindre un commentaire : Il est fait allusion ici, expliquent-elles, aux mauvais comportements des hommes "modernes"; si leurs progrès techniques et scientifiques sont admirables, la valeur morale est en régression par rapport à celle de nos pères, grand-pères et arrières-grands-pères, pour lesquels en particulier la parole donnée valait un écrit. En ce temps-là, il y avait bien moins de discours et beaucoup plus d'actes positifs.

Aussi, le vieux sage Mamby Sidibé, rapporteur de ce conte, se pose la question "L'humanité a-t-elle fait des progrès dans vraiment tous les domaines ?" 

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Source : " Contes populaires du Mali, Livre 2", de Mamby Sidibé - Editions Présence africaine

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